J’ai habité des années à Saint-Maur-des-Fossés, dans le Val-de-Marne, donc j’allais souvent au Parc Floral de Vincennes, seul ou avec mes enfants. C’est un lieu idéal pour se ressourcer, aux portes de la ville. C’est un lieu magique, très surprenant – il y a plein d’espaces divers, plein d’activités, mais aussi de larges zones de silence, au cœur de la nature, totalement dépaysants. On oublie aisément qu’on est à la lisière de Paris.
C’est là que Sophia se lance dans sa première session d’enseignement avec Arnaud, là qu’elle va commencer à lui apprendre à voir et écouter. En plein hiver, parce que le lieu est encore plus magique à cette saison : le temps paraît suspendu, la neige étouffe les moindres bruits, le froid nous fait prendre conscience de chaque respiration. À l’instar de Bryant Park à New York, je voulais que ce soit un endroit à la fois familier et totalement surprenant, très proche et très lointain – le genre d’endroits qui sont à portée de main mais qu’on a tendance à ne plus voir, à ignorer quand on est pris dans la course effrénée à l’efficacité et à la productivité. Tout le monde ne peut pas aller à Pokhara au Népal, mais écouter le silence de la neige qui tombe entre les arbres est une expérience qui nous attend à quelques stations de métro, à quelques encablures de vélo.
La connexion à la nature est un élément clé de la pratique méditative, qui invite à regarder à l’intérieur de soi pour mieux regarder autour de soi, aller au cœur de soi pour mieux aller vers l’autre et mieux se sentir au cœur du monde, traversé par le monde. J’aime bien cette métaphore de l’individu comme un arbre : nos pieds comme des racines qui nous ancrent dans la terre, et notre cerveau, nos pensées comme des branches tendues vers le ciel, et la sève comme ce fil qui nous relie à l’un et à l’autre, on se nourrit du sol et de l’air et on donne autant en échange, on est dans cette interconnexion permanente.
En regardant à l’intérieur de soi avec une extrême bienveillance, on apprend à être en paix avec soi, et en conséquence on est apaisé face au monde, dans le monde – pour le meilleur comme pour le pire. On est traversé par un drame de la même manière qu’on est caressé par un rayon de soleil. Comprendre qu’on fait partie d’un tout qui nous dépasse et avec lequel on ne fait qu’un, c’est le privilège du méditant ou du croyant, et la contemplation de la nature, la montagne, la mer ou la forêt, est sans doute un des meilleurs moyens d’y accéder.
@Photo : Jane Sorensen