La Révolutionnaire de Chopin

L’étude pour piano n°12, dite La Révolutionnaire, est l’une des plus célèbres de Chopin.

C’est un condensé de 2 minutes 40 à peine de pur talent en ébullition. Rageuse et fougueuse, elle donne à qui l’interprète l’occasion de déployer une maîtrise virtuose : il faut rendre cette impression d’une énergie indomptable, alors que c’est une partition très maîtrisée, très technique.

Même sans être expert, on entend dans les premières notes cette façon dont les mains semblent s’emparer du clavier, comme pour un combat, presque au corps à corps. C’est que Chopin, lorsqu’il la compose, est d’une humeur dévastatrice, prêt à en découdre avec le monde.

C’est en effet en référence à la chute de Varsovie face aux armées du tsar, en 1831, que Chopin écrit cette étude. Après avoir été partagée entre la Russie, la Prusse et l’Autriche, la Pologne passe sous tutelle française, puis, avec le congrès de Vienne en 1815, attribue le duché de Varsovie à la Russie. Le tsar Alexandre 1er devient « roi de Pologne ». L’accession au pouvoir de Nicolas 1er, son successeur, en 1825, s’accompagne de tensions qui vont s’aggravant. L’insurrection armée éclate en novembre 1830 et dure huit mois. Huit mois de violents combats écrasés par les Russes, qui étouffent alors tout espoir et brisent cet élan de liberté.

Chopin est de père français et de mère polonaise. Alors qu’il retourne à Paris, il apprend la nouvelle de la défaite des nationalistes. C’est pour lui terrible, une souffrance dans sa chair. Il lui semble que son peuple est abandonné de tous. Il compose cette étude, véritable cri de révolte. Mais c’est aussi une illustration parfaite de ce que l’on appelle « l’énergie du désespoir » – il y a dans ce morceau une telle fougue, une telle beauté – comme s’il nous disait que rien jamais ne pourra détruire la beauté ni le désir de liberté, que l’âme humaine est pleine de ressources créatrices qu’aucune guerre ne saurait éteindre – que la musique elle-même peut servir de détonateur, faire vibrer les cœurs et appeler au soulèvement.

C’est aussi pour cela que je l’ai choisie pour cette scène où la mère de Sophia joue pour Henri, qui cherche une nouvelle soliste. Elle est polonaise, elle détonne, elle a un caractère de feu. En jouant cette étude, elle montre non seulement son talent et sa fougue, mais aussi son envie de rester libre, en toutes circonstances.

Superbe interprétation de la 12è étude dite Révolutionnaire par le génial François-René Duchâble