« Parler est un besoin, écouter est un art. »
Arnaud est à Bryant Park, à New York, et il doit trouver le vieux sage népalais qui va initier son cheminement vers la plénitude. Et là, il tombe sur cette statue de Goethe, comme un vestige de la vieille Europe sur le Nouveau Monde, et cette phrase où le savant et poète allemand du 18e siècle exprime tout son génie.
En huit mots seulement, il élabore une pensée qui opère comme un déclic – la puissance de la simplicité, la puissance de l’évidence. Cette phrase dit quelque chose de fondamental, encore plus vrai de nos jours qu’à l’époque. New York, la ville du bruit permanent, où tout est paroles, où tout le monde parle, tout le monde a quelque chose à dire – on est assailli de mots, comme si on voulait à tout prix couvrir le silence, insupportable. Arnaud lui-même, parle sans doute beaucoup et a toujours beaucoup parlé – en réunion, à ses employés, ses partenaires, par mail, par sms, au téléphone. Mais sait-il seulement écouter ? En disant que parler est un besoin, Goethe exprime bien ce côté presque mécanique de la logorrhée permanente de l’époque. Nous sommes des animaux sociaux, bien sûr, nous avons besoin de communiquer. Mais ce bruit incessant nous encombre. En lui opposant l’art de l’écoute, il implique qu’il faut d’abord savoir-faire silence. C’est le silence qui nous éveille. Pour faire silence, il faut d’abord écouter. Et réciproquement. Le grand drame de nos sociétés, c’est qu’on ne sait plus écouter. Notre époque ne supporte plus le silence, alors que sans lui on n’est que des robots, constamment distraits, détournés de notre propre voix, de notre propre lumière.
La force de la phrase de Goethe, c’est qu’en plus d’être un commentaire sur l’époque, d’une saisissante modernité, elle indique aussi le chemin à suivre pour arriver à l’épanouissement personnel. L’écoute attentive, l’écoute empathique, l’écoute silencieuse est un art – apprendre à s’écouter soi, pour écouter les autres et écouter le monde. Écouter le silence, pas seulement au dehors mais aussi à l’intérieur de soi. On ne peut pas écouter (et donc apprécier) le monde si on ne s’écoute pas soi-même – et toujours avec cette infinie bienveillance envers tout ce que le silence dit de nous, de bien comme de mal. Écouter, cela renvoie à la notion d’attention, la tension vers. Tension vers soi, vers l’autre et le monde. Être pleinement prêt à recevoir, porter de l’intérêt à ce que l’autre va me dire, ou ce que moi-même je dois me dire à moi-même. L’écoute, c’est le début de la sagesse. Sans compter que c’est la première des élégances !