« Hier j’étais intelligent et j’ai voulu changer le monde, aujourd’hui je suis sage et je me change moi-même. »
Voici une phrase, vieille de près de huit siècles, d’une incroyable modernité ! Elle exprime une idée fondamentale, le point de départ de toutes les démarches de développement personnel et d’accomplissement de soi enseignées aujourd’hui : tout changement commence par soi-même.
Avant de vouloir changer le monde, il faut commencer par se changer soi-même. Dit autrement, c’est ce que chantait déjà Michael Jackson : « I’m starting with the man in the mirror / je commence par mon reflet dans le miroir », ou encore ce que disent les coachs anglo-saxons avec ce sens de la formule immédiate propre à la langue anglaise, « Be the change you want to see » : sois toi-même le changement que tu souhaites observer. C’est ce que nous répètent depuis des siècles des dizaines d’histoires : que ce soit Saint François d’Assise ou Siddartha, c’est la même idée. Atteindre la sagesse, ou l’illumination, trouver sa propre lumière, ce n’est pas une idée abstraite que l’on peut entendre et comprendre avant de passer à autre chose. C’est quelque chose que l’on ressent à l’intérieur de soi. Ce n’est pas une « externalité », pour parler le langage des managers. C’est quelque chose qui vient du plus profond de notre être et qui le change du tout au tout.
Mais de manière plus profonde encore, ce qui m’a frappé dans cette phrase, et qui a joué un rôle si important dans mon propre parcours, c’est cette opposition très claire qu’elle pose entre l’intelligence d’un côté et la sagesse de l’autre : on n’atteint pas la lumière par l’intelligence, on l’atteint par le cœur, on la ressent dans sa chair. Ça a été pour moi une véritable révélation. Depuis plus de vingt ans, depuis mes études dans une grande école prestigieuse, et ensuite durant ma carrière de cadre dirigeant d’un grand groupe, je me croyais… intelligent ! J’étais un homme de concepts. Je manipulais des idées, des théories, des chiffres. J’avais soif de connaissances nouvelles. Et puis j’ai compris. Com-prendre : prendre avec. Intégrer en soi. J’ai compris que rien de tout cela ne me rapprocherait de mon moi véritable, ni du monde réel, ni du bonheur. Tous ces concepts, toutes ces idées et ces chiffres n’étaient que des écrans qui me masquaient la lumière, ma propre lumière. Ma capacité à me changer, m’épanouir et contribuer du mieux que je pouvais, à ma propre et humble échelle, à augmenter la quantité de bonheur sur cette planète. Comme Arnaud dans le livre, j’ai effectué ce parcours, et aujourd’hui j’encourage le plus de monde dans mon entourage, à travers ma pratique du coaching, mais aussi par ce roman, à effectuer le même cheminement.
Mais c’est aussi pour Rûmî lui-même que j’ai choisi cette phrase. C’est un poète persan du 13e siècle, une figure clé du mysticisme soufi, ce courant spirituel de l’islam qui joue un rôle fondamental dans les civilisations musulmanes. Toute sa poésie est fondée sur l’idée qu’en venant au monde, nous sommes séparés d’une forme d’amour universel et créateur, et que notre âme n’aspire qu’à une chose : s’élever afin de se reconnecter à ce grand Tout, cet amour primordial. C’est une vision très universelle, au sens de cosmique, de la religion, très inspirante, très émouvante aussi. Sa propre vie ressemble à une ode à la rencontre des cultures : il est perse, il naît dans une région qui est aujourd’hui l’actuel Afghanistan, il meurt dans une ville de l’actuelle Turquie, il vit sur une terre d’Arménie zakaride, il épouse une fille de Samarcande, son nom fait référence à Rome et à Byzance. De fait, de son vivant, il fréquentait sans distinction musulmans, juifs et chrétiens. C’était un geste important pour moi d’ouvrir le livre sur l’un des plus grands poètes musulmans, chantre de l’amour universel.